Le 7 septembre 2015, le nouveau stade de Bordeaux, dans lequel les Girondins ont effectué leur rentrée en mai dernier à l’occasion de la dernière journée de Ligue 1, recevait son premier match de football international. Les Bleus y ont d’ailleurs signé une prestation convaincante, surtout en première mi-temps, en s’imposant 2 à 1 face à la Serbie. Le stade, qui par ailleurs avait aussi accueilli des demi-finales du championnat de France de Rugby, le top 14, n’avait toutefois pas encore dévoilé son nom officiel. C’est désormais chose faite et Chevallier et Laspalès doivent s’en réjouir : la Matmut a signé un contrat de naming avec le gestionnaire officiel du stade pour les 10 années à venir.
Le naming, what is it
Derrière cet anglicisme, qui brutalise la langue de Molière et chatouille les oreilles, se cache un moyen fort simple d’empocher de l’argent en proposant à de grands groupes internationaux de financer un événement. Pas seulement réservé au milieu sportif, cette forme de parrainage (car l’équivalent français de naming existe bel et bien) s’est néanmoins imposée à tous les niveaux : clubs, stades et compétitions.
Si aucun exemple ne vous vient à l’esprit, voici de quoi vous rafraîchir la mémoire dans des domaines sportifs très variés. En hippisme, le célèbre Prix de l’Arc de Triomphe n’est-il pas devenu le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe ? En effet, depuis 2008 et jusqu’en 2022, le Qatar Racing and Equestrian Club est devenu le partenaire officiel de la plus célèbre course de plat. Dans le monde du tennis, le plus que centenaire tournois de Monte-Carlo est à présent le Monte Carlo Rolex Master : de quoi au passage permettre aux tennismen de ne pas finir comme des minables car comme le disait Jacques Séguéla : « Si à cinquante ans, on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie ». Et l’on pourrait multiplier les exemples à l’envi, la Heineken Cup en Rugby, la CAN Orange dans le football africain, la Turkish Airlines Euroligue en basket… N’en jetez plus, la coupe est pleine.
Bien entendu, les sponsors espèrent profiter de la renommée internationale des événements sportifs qu’ils financent pour en contrepartie rentabiliser cette onéreuse publicité. Pour la Matmut, dont le nom timbre désormais le toit du stade, les 3,9 millions d’euros investis pour 10 ans d’exploitation vont certainement les obliger à réduire le recours à leur duo choc de comiques, dont le contrat signé en 2003 se montait à la somme de 900 000 euros !
De prochaines victimes à venir
Devant la manne financière que représente le parrainage du nom du club, les sirènes de la tentation sont très fortes et parmi les dix enceintes sélectionnées pour l’Euro 2016, Bordeaux ne sera pas un cas isolé. Ainsi, le futur Grand Stade de Lyon, également appelé Stade Lumière de Lyon, devrait subir le même sort. Et la mémoire des frères Lumière, les inventeurs du cinéma ? Leur nom devrait être effacé et supplanté par le nouveau messie annoncé par ce requin de Jean-Michel Aulas : Hyundai. Auguste et Louis doivent se retourner dans leur tombe !
Ainsi, dans ce monde capitaliste, la vertu d’hommes illustres ne comptent plus devant les intérêts pécuniaires. Les Bordelais, pourtant attachés à leur stade Jacques-Chaban-Delmas, auront beau protester, polémiquer et tweeter à qui mieux mieux leur mécontentement, leurs revendications resteront vaines devant l’appétit financier des holdings – pardon, sociétés faîtières – qui tirent les ficelles de la bourse.
À défaut de Gourcuff, les @girondins bouclent tout de même leur recrutement avec un beau gosse #MatmutAtlantique pic.twitter.com/LKEScfXBMz
— Sylvain SRO (@sylvain_sro) September 3, 2015